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Le danger de l'infantilisation en entreprise !

Edito Michel Lemaire, Élu FO Matmut et Trésorier du CSE
Mots clé :

Le management bienveillant est aujourd’hui une qualité recherchée par de nombreuses entreprises pour améliorer le bien-être de leurs salariés et les fidéliser. Pourtant, cette notion est trop souvent mal interprétée et confondue avec un management infantilisant, dont les conséquences peuvent être désastreuses.

L’infantilisation en entreprise prend de nombreuses formes et, loin de créer un lien de confiance, elle instaure une relation de domination et une souffrance dissimulée chez les employés.

Les dérives d’une fausse proximité.

La première confusion réside dans le fait de considérer ses collègues et salariés comme des amis. Le management bienveillant se fonde sur une considération humaine et professionnelle, sur la confiance, le respect des compétences et non sur des liens amicaux forcés. Donner des surnoms familiers, utiliser des analogies puériles ou un vocabulaire niais comme « Voili voilou » ou « Merki », est une marque d’infantilisation.

Ces comportements, qui peuvent sembler anodins, sont souvent perçus comme dégradants et créent un profond malaise. Un salarié n’est pas un enfant à qui il faut apprendre à s’exprimer ou un animal domestique que l’on nomme par de petits noms affectueux. Il est un professionnel dont les compétences doivent être respectées et valorisées.

Un contrôle excessif et des méthodes inappropriées.

L’infantilisation se manifeste également par une posture d’autorité illégitime. Certains managers justifient leurs décisions par des phrases comme « j’ai raison, c’est moi le chef » ou « c’est comme ça et pas autrement » adoptant une attitude condescendante qui nie l’intelligence et l’autonomie de leurs équipes. Ces propos ont été reconnus comme infantilisant et source de mal-être pour les salariés (Cour d’appel d’Amiens, 11 mai 2022, n° 21/02013). Des décisions de justice ont également qualifié de management infantilisant le fait d’exercer un contrôle excessif, comme demander aux employés pourquoi ils s’absentent quelques minutes pour aller aux toilettes (Cour d’appel de Versailles 4 novembre 2021 n° 18-04599). Est infantilisant le fait de proférer les paroles suivantes : « vous n’êtes pas payé pour penser […] je suis votre supérieure » (Cour d’appel de Nîmes, 20 mai 2014, n° 13/00022).

On observe aussi l’émergence de méthodes de management inspirées de la puériculture. Les entreprises imposent que les réunions débutent par des questions dignes de la maternelle. Les salariés sont incités à participer à des jeux ou à des défis qui ne sont pas de réels moments de détente, mais une injonction à « s’amuser ». L’entreprise demande au manager de ne pas hésiter à culpabiliser l’employé qui ne souhaite pas être infantilisé. Dans son évaluation figurera la mention « n’adhère pas aux challenges ». Ces activités régressives, censées créer de la cohésion, masquent en réalité un rapport de subordination où l’employé doit se plier aux désirs de l’entreprise sous peine d’être considéré comme un « casseur d’ambiance ». Alors le salarié « joue le jeu ».

Une extension à la fois du modèle scolaire et du modèle paternaliste.

L’infantilisation des salariés est un phénomène ancré dans l’histoire (paternalisme), perpétué par des modèles sociaux (école) et renforcé par certaines pratiques managériales contemporaines.

Le monde du travail a souvent été calqué sur le modèle éducatif. L’école, avec ses règles strictes, ses horaires, ses notes, et sa hiérarchie, prépare les individus à un cadre similaire en entreprise. Les processus, les entretiens d’évaluation, les consignes strictes et le besoin de validation constante peuvent être perçus comme une prolongation de ce modèle, où les salariés sont traités comme des élèves qui doivent apprendre, obéir et être “notés” sur leur performance.

Les entreprises se présentent comme des “sociétés-écoles” ou l’entreprise fait grandir le salarié par le jeu avec pour promesse une progression individuelle. Cette approche a donné naissance à une culture du management qui choye, protège et rassure à l’excès, comme le ferait un parent avec son enfant.

Ce paternalisme, souvent mal intentionné, est désormais partout : baby-foot dans les bureaux, distribution de bonbons, post-it fluo dans les salles de créativité, et même des smileys dans les courriels des managers. Bien loin d’être des outils de motivation, ces pratiques sont souvent perçues comme infantilisantes et agaçantes.

En conclusion, un manager bienveillant n’est pas un parent. Il n’a pas à materner, à choyer ou à donner des surnoms à ses collaborateurs. Il doit créer un environnement professionnel sain où le respect des compétences, la reconnaissance du travail et une communication adulte priment sur des méthodes de management déguisées en jeux de maternelle. Ignorer le danger de l’infantilisation, c’est risquer de créer une souffrance silencieuse et de démotiver ses équipes. Lorsqu’elle est répétée et humiliante, l’infantilisation peut constituer une forme de harcèlement moral, avec des conséquences graves pour la santé psychologique des individus et la performance globale de l’organisation.

Il convient que l’entreprise désinfantilise le salarié qui est un adulte sachant faire son travail et prendre des décisions éclairées.