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La placardisation du salarié.

Edito Michel Lemaire, Élu FO Matmut et Trésorier du CSE
Mots clé :

Une définition de la placardisation.

La définition créée par la jurisprudence est celle-ci : mise d’un salarié à l’écart de la vie de l’entreprise en lui retirant progressivement ses prérogatives, ses fonctions.

Je ne retiendrais pas cette définition prétorienne, mais j’aborderais la placardisation sous l’angle de l’absence d’évolution professionnelle, l’absence d’évolution pécuniaire.

Les définitions sont différentes mais les effets sont les mêmes. L’angle qui sera abordé dans cet édito est beaucoup plus courant et peut potentiellement concerner plus de salariés que le simple retrait de prérogatives.

Les raisons de la placardisation.

Pourquoi mettre au placard le salarié ? Quel est le but pour l’entreprise ?

L’entreprise n’a rien à reprocher au salarié sur son travail et ne peut donc pas le licencier, mais il ne correspond plus au profil de l’entreprise : le salarié mis au placard n’est souvent pas assez « corporate » pour la Direction de l’entreprise, il n’a pas assez l’esprit d’équipe. Le salarié incriminé ne participe pas au moment de convivialité organisé hors temps de travail mais surtout, le salarié, ose questionner, poser des questions sur les directives…

Il n’y a rien d’objectif contre le salarié mais que du subjectif. L’employeur ne peut pas licencier ou sanctionner le salarié pour ces motifs et la parade pour sanctionner le salarié, pour le remettre dans le droit chemin, c’est de lui enlever toutes chances d’évolution.

L’employeur a donc l’intention de nuire au salarié en bloquant son évolution au sein de l’entreprise, en lui refusant de lui accorder une augmentation individuelle alors qu’il peut être le meilleur de son équipe. Sa liberté de penser, son droit à ne pas participer aux moments de convivialité de l’entreprise se voit sanctionné par la placardisation. En procédant ainsi, l’employeur exécute de mauvaise foi le contrat de travail.

La mise au placard va concerner également les seniors. Arrivé à un certain âge, l’entreprise ne mise plus sur les salariés devenus trop vieux et trop cher. Pourquoi les faire évoluer alors qu’ils sont plus proches de la retraite que du début de carrière ? L’augmentation de salaire ? Pourquoi donc ? Son salaire est déjà plus élevé que ses jeunes collègues. Il faut retenir les jeunes, une augmentation individuelle aide à les retenir. Il y a alors une mise au placard de fait de certains seniors, devenus inutiles au regard de l’entreprise.

Des conséquences sur la santé du salarié.

L’employeur sait que cette placardisation a des conséquences psychologiques sur le salarié. Le salarié peut perdre confiance en lui sur le long terme, il ne perçoit plus de perspective et en souffre. Il commence à douter de lui-même et le travail peut devenir une souffrance.

Pour le salarié senior, la situation est particulièrement pernicieuse : il résiste et est prêt à accepter la situation car il n’a pas d’autre choix que de rester dans l’entreprise en raison de son âge. Les plus de 45 ans savent qu’en France les opportunités sur le marché du travail sont moindres les concernants, et ils perdent souvent en salaire en cas de changement. “Faute de grives on mange des merles”.

Parmi les salariés placardisés, certains vont rester dans l’entreprise, car se sachant victime d’une situation, il vont résister face à l’agresseur-employeur.

Le salarié ne souhaite pas donner raison à son employeur en démissionnant. Il souhaite continuer à défendre ses valeurs qui lui ont valu la placardisation.

La placardisation, un harcèlement moral condamnable.

Ces agissements de la part de la Direction ne sont pas sans conséquences sur la santé des salariés car cette placardisation résultant du comportement passif de l’entreprise est constitutif d’un harcèlement moral engageant la responsabilité pénale de l’employeur.

L’article L1152-1 du Code du Travail dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Lorsque le salarié est mis au placard, lorsqu’il est rejeté par l’entreprise et qu’il n’a plus de perspective d’évolution professionnelle, la santé du salarié se dégrade (stress, anxiété, dépression, insomnie), sa dignité est affectée. Sa vie privée est impactée.

Les manœuvres destinées à entraver, bloquer l’évolution du salarié compromettent l’avenir professionnel du salarié lui-même. Les conditions pour le harcèlement moral sont réunies.

Le droit permet à la victime de se défendre.

Si le salarié apporte des preuves suffisantes de la dégradation de ses conditions de travail et de l’atteinte à ses droits, à sa dignité ou à sa santé qui en ont découlé, son exclusion pourra être qualifiée de harcèlement moral (Cass. soc., 6 juil. 2010, n°09-42.557).

Pour mettre fin à cette placardisation et à cette situation de souffrance, j’invite le salarié concerné à contacter un syndicat qui saura mettre fin à cette situation en saisissant les ressources humaines, si nécessaire, par un droit d’alerte via un élu au CSE.

Il n’y a pas de fatalité et garder le silence n’est jamais bon.