Projet des PGIS : courrier de déclenchement du droit d'alerte.
Voici le courrier de déclenchement du droit d’alerte envoyé par l’élu FO au CSE du groupe Matmut au Directeur Général.
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Publication du courrier
À Monsieur Nicolas GOMART
Directeur Général
66 rue de Sotteville
76100 Rouen
À Croix, le 03/04/2024
Objet : droit d’alerte L 2312-59 du Code du Travail
Monsieur le Directeur Général,
En tant qu’élu FO au CSE, je vous informe que je mets en œuvre le droit d’alerte de l’article L2312-59 du Code du travail du fait des atteintes à la santé physique et mentale subies par les salariés des PGIS en raison de l’organisation du travail actuel et future ainsi que des conditions de travail actuelles et futures.
Le rapport d’expertise ARETE ci-joint, met en évidence que les facteurs de Risques Psychosociaux ainsi que la manière dont ils impactent la santé des salariés sont insuffisamment traités par la Matmut « L’ampleur des facteurs de déclenchement des RPS, ainsi que la manière dont ils impactent la santé des salariés en étant insuffisamment traités par la Matmut » (page 11 du rapport ARETE).
Actuellement, au sein des PGIS, il y a un turn-over élevé. Les représentants de la Direction le reconnaissent en CSE, les départs sont importants, les jeunes embauchés ne restent pas. Le rapport d’expertise souligne ce turn-over important (17,4% en 2022 et 13% en 2023). Ainsi, les salariés qui ont le courage et la force de rester à la Matmut doivent absorber une charge de travail plus importante, former les jeunes embauchés. Les salariés sont à bout comme le souligne le rapport d’expertise. Ils ne peuvent plus supporter ce rythme de travail soutenu. Cette intensification de la charge de travail a des conséquences sur la santé des salariés. Votre unique réponse a été de recruter plus de manager dans le cadre du projet harmony…
De plus, les salariés sont stressés. Ce stress provient du sentiment de ne pas résorber le retard de gestion et de répondre aux attentes demandées par la Direction. Cela est normal puisque vos consignes de gestion changent régulièrement. Le changement permanent des consignes de gestion occasionne une instabilité au travail et de la souffrance psychologique chez les salariés des PGIS.
Les salariés des PGIS sont soumis à des injonctions paradoxales : faire toujours plus avec peu de moyen, faire toujours plus de téléphone mais gérer plus de dossiers sans en avoir le temps, traiter au plus vite la demande des sociétaires tout en ayant une qualité de service irréprochable. Vos demandes entraînent un conflit de valeur chez les salariés qui sont attachés à la qualité de service rendu aux sociétaires, comme le souligne le rapport d’expertise. Cette dégradation de la qualité de service que constatent les salariés des PGI entraîne de plus en plus de la violence verbale de la part des sociétaires.
Les salariés des PGIS sont épuisés professionnellement. Il y a un stress généralisé sur les PGIS.
La Matmut est à l’origine d’une organisation de travail maltraitante voire pathogène.
De-même, la réorganisation que vous tentez de passer en force depuis un an, présente des risques pour la santé mentale des salariés. Le modèle organisationnel que vous allez mettre en place crée d’ors et déjà de la souffrance chez les salariés, de l’angoisse et du stress.
« Le téléphone devient de plus en plus difficile à gérer
La place du téléphone dans l’activité du gestionnaire est incontournable. Elle représente plus de 40% de l’activité pour la plupart : 40h minimum sur un cycle de trois semaines, soit 37%, 7 à 10h de plus pour le plus grand nombre (45%).
Les salariés rencontrés témoignent de difficultés grandissantes à faire face à cette activité au regard des changements apportés au niveau de la relation avec les assurés pour plusieurs raisons :
- Un effet post covid qui rend la position attentiste difficile et met les assurés dans une logique de clientélisme.
- L’accessibilité est difficile pour l’assuré qui parle à des gestionnaires ne connaissant pas son dossier (perte de lignes directes) quand ses appels aboutissent (raccroche au bout de 20 min, appelle plusieurs fois, incivilités fréquentes).
- L’avancement irrégulier des dossiers et le non-respect de certains délais de traitement.
Les gestionnaires rencontrés rappellent que le téléphone fait partie intégrante de leur activité :
- Saisie et compréhension plus rapides des différents aspects du dossier ;
- Réponse plus rapide donnée aux attentes des assurés et réconfort par rapport au sinistre qui les touche ;
- Les appels entrants sont importants car ils conditionnent la répartition des dossiers entre gestionnaire ;
Il n’en demeure pas moins que cette activité amène une usure chez les gestionnaires, en relation avec un sentiment d’urgence permanent et une dégradation de la relation avec les sociétaires pour des raisons jugées parfois légitimes (frustration, colères, incivilités plus fréquentes, mal reconnues par l’entreprise). Cette usure se répète quotidiennement, est amplifiée par un sentiment d’omniprésence du téléphone, et atteint la santé mentale des salariés rencontrés (anxiété). »
Avec ce projet, il y a l’imminence de l’aggravation des dommages et des préjudices pour les salariés et la méconnaissance de la législation sur la santé au travail.
En effet, avec l’augmentation du nombre d’heures de téléphone, vous augmentez la charge de travail des collègues, puisque ces derniers auront moins de temps pour la gestion, en l’absence de toute évaluation des risques psychosociaux susceptibles d’être générés par cette nouvelle organisation.
Le rapport d’expertise met en évidence :
« Sur le risque portant sur les “exigences émotionnelles”
- Le danger a été identifié comme portant sur « l’exposition à la violence verbale des sociétaires, l’insatisfaction des sociétaires liée au stock de dossiers en retard, au manque d’accessibilité téléphonique ».
- Or, une question se pose: pourquoi ces deux aspects identifiés dans le DUERP n’ont pas été pris en compte dans le document projet ou pris comme piste de réflexion ?
- Le projet prévoit en effet la mise en place de journée de retrait mais avec la contrepartie d’une prise de téléphone en temps quasiment équivalent. Mais cela ne répond pas à l’enjeu et ne permet pas systématiquement aux gestionnaires de réduire leur stock d’autant plus que le contrôle des déclarations n’est pas présent (chaque appel ou ouverture entraîne un accroissement de l’en cours).
- Il s’agit d’ailleurs d’une des mesures de prévention (primaire) “apuration stock dossiers en retard”. Soulignons que l’accroissement du temps passé au téléphone risque d’augmenter l’encours de dossiers et le stock de tâches (proportionnellement moins de temps pour les gérer).
- De la même manière, la non-maîtrise du risque augmentera (passant de 2 à 3) faisant passer ce risque de P2 à P1 (risque prioritaire).
Une analyse des risques qui n’est pas relayée dans le projet (2/2)
“Les exigences du travail”
- Une partie du danger porte dans un premier temps sur une activité “mixte” (téléphone + gestion des dossiers) or cette activité est en suspension depuis quelques mois et n’a plus sa place dans le DUERP. En outre, sur les mesures de prévention il est indiqué la mise en place de “mesures favorisant la conciliation vie perso/vie prof (télétravail […], horaires variables, prise en compte des contraintes individuelles ponctuelles, etc.)”
- Or le projet va à l’encontre du maintien d’une de ses mesures. Il n’est pas mentionné comme mesure d’un accompagnement aux changements des salariés sur le danger des “changements organisationnels”.
- Le second aspect lié à ce risque porte, notamment, sur “l’absentéisme et difficultés de recrutement selon bassins d’emploi” et préconise dans ses actions de réaliser une “activité de gestion allégée pour les GIS assurant des missions de tutorat”. Les gestionnaires témoignent d’une mise en place très aléatoire et globalement d’une relative absence de suivi de la charge de travail qui leur soit spécifique et qui tienne compte des activités hors production (deux mois pour un tutorat qui dure sur une année).
- Les trois facteurs de RPS : exigences émotionnelles, exigences au travail et insécurité de l’emploi sont côtés P2 et ils sont second en ordre de priorité. Par contre, l’autonomie au travail, les rapports sociaux et les conflits de valeur sont côtés P3, soit une mise en œuvre non prioritaire.
- Or, les entretiens avec les salariés ont permis de mettre en exergue un collectif à bout de souffle, une fatigue importante pour certaines personnes, une crispation forte autour de l’activité téléphonique décrite comme “omniprésente”, des rapports sociaux tendus (avec la direction principalement) et une absence de moyens pour faire un travail de qualité, notamment sur les dossiers de gestion
- L’ensemble de ces constats sont synonymes de conflits de valeurs qui doivent être considérés comme davantage prioritaires. »
Nous sommes en présence d’un trouble manifestement illicite caractérisé par la mise en œuvre du projet, par la présence du logiciel SMART qui est défaillant (malgré les effets délétères déjà relevés). Le risque est grave pour la santé des salariés.
Vous persistez dans le non-respect de votre obligation, en votre qualité d’employeur et en application de l’article L4121-1 du code du travail, de sécurité de résultat qui vous impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
M. GOMART, vous jouez avec la santé des salariés et vous allez aggraver leurs situations alors que la réorganisation n’est pas viable.
« Un gain très relatif concernant l’accessibilité (2/2)
En synthèse :
- Les plages de cœur de journée ne varient pas beaucoup en termes d’accessibilité
- La prise d’appels va s’améliorer en fin de journée mais reste très en retrait (50%)
- Le taux global de la journée (estimé sur la base d’un mardi-mercredi-vendredi) monterait à 63%.
Cela questionne sur la pérennité de l’organisation cible :
- D’autres paramètres ont un impact significatif sur l’accessibilité : la DMT ou les règles de gestion par exemple. Mais leur activation est hyper-sensible et nécessite une analyse du travail qui est peu présente dans le projet (bien que la direction soit en mesure de l’évoquer oralement de manière plus approfondie).
- La nationalisation des flux va également bouleverser les cartes : les écarts de pratiques entre les sites vont être remis en cause.
- La direction défend une démarche de proactivité en phase de gestion et le transfert de certaines déclarations vers les CRDS. Mais les deux sujets sont difficiles à animer sur le terrain et leur résultat est incertain (gain inférieur à 10 points de prise d’appels selon la direction).
- La productivité des gestionnaires va croissante, ce qui remet l’accent sur des problématiques de dimensionnement au sein du PGIS. »
Je vous demande de renoncer au projet afin de ne pas aggraver la santé des salariés.
Je vous demande, dans le cadre de l’article L 2312-59 du Code du travail, de procéder sans délai à une enquête commune afin de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation actuelle.
Sincères salutations.
Michel Lemaire
Élu FO CSE UES Matmut