La notion de performance du salarié et le droit du travail
Être performant. De plus en plus d’entreprises demandent aux salariés d’être performant.
Nous connaissons tous la signification du mot performance.
Pourtant, il n’existe pas de définition juridique de la performance. Le code du travail est silencieux.
En l’absence de définition juridique, il convient donc de se rattacher à la définition classique de la performance.
Selon le dictionnaire de l’académie française, la performance trouve son étymologie au XXème siècle. Emprunté, par l’intermédiaire de l’anglais « performance », « résultat d’un cheval de course », de l’ancien français « performance », « accomplissement, exécution », lui-même dérivé du latin « performare », « former entièrement ».
L’employeur demande donc aux salariés de réaliser des exploits, des prouesses. L’employeur détermine les objectifs (dans la novlangue managériale, cela peut-être appelé “ambition”, “défi”).
Avec cette notion de performance, l’employeur contourne les règles juridiques. En effet, lorsque l’employeur respecte la législation et parle d’objectif, le code du travail encadre cette notion. Premièrement, l’objectif doit-être réalisable au regard des moyens fournis, des délais impartis par l’employeur. Pour cela, il faut tenir compte de la qualification professionnelle du salarié concerné, des moyens que l’employeur a mis à sa disposition pour les atteindre, de l’organisation du travail dans l’entreprise et également de la conjoncture économique.
Deuxièmement, les critères et modalités d’application des objectifs professionnels imposés au salarié ne doivent pas être purement potestatifs au sens de l’article 1304-2 du code civil, ce qui exclut donc qu’ils puissent dépendre de la seule volonté de l’employeur (Soc. 27 juin 2000, no 99-41.926)
Troisièmement, le principe même de ces objectifs doit avoir été préalablement accepté, de manière expresse par le salarié concerné. Concrètement, ce dernier doit avoir signé un contrat de travail qui mentionne une clause d’objectifs.
Par la performance, l’employeur détermine la charge de travail du salarié. Le salarié ayant un lien de subordination qui le lie à l’employeur se sent obligé d’atteindre cette performance. Mais comme nous l’avons vu, la notion de performance n’est pas protectrice pour le salarié. L’employeur décide seul du nombre de contrats à vendre, du nombre de dossiers à réaliser sans que le salarié n’ait consenti à ce chiffre.
Pour se justifier, l’employeur, relayé par certaines organisations syndicales, vont faire ancrer dans l’esprit des salariés, qu’il faut bien une base. Pourtant à aucun moment, l’employeur se pose la question de savoir si l’objectif est réaliste, réalisable et si l’organisation du travail le permet. La législation ne lui impose pas ces vérifications puisque la notion de performance n’existe pas juridiquement.
La recherche de performance n’est pas sans conséquence pour le salarié. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la performance est une notion sportive. L’employeur demande quotidiennement au salarié de réaliser un exploit, de se dépasser. À la différence du sportif, le salarié n’a pas de temps de repos. Il n’y a pas de saison sportive pour le salarié qui chaque jour renouvelle son exploit et dépasse sa performance de la veille. Atteindre et dépasser la performance fixé par l’employeur, encourage ce dernier à déplacer le curseur de la performance à la hausse mais jamais à la baisse.
Les juristes et les syndicats œuvrant réellement pour les salariés sommes-nous démunis face à cette notion de performance ? Que pouvons-nous faire en attendant que le législateur s’empare de cette notion ? Comment pouvons-nous être un contrepoint du management par la performance ?
Pour contrer l’employeur, il convient d’agir sur l’angle de la santé des salariés.
A ce titre, nous pouvons faire appel au Droit international du Travail qui, de part les article 4 et 5 (b) de Convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs de 1981, impose l’adaptation du temps de travail, de l’organisation du travail et des procédés de travail aux capacités physiques et mentales des travailleurs.
Un peu plus proche de nous, l’article 19 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs stipule que « Tout travailleur doit bénéficier dans son milieu de travail de conditions satisfaisantes de protection de sa santé et de sa sécurité.» Ou encore l’article 5 de Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail dispose que « L’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail ».
À travers l’article L. 4121-1, le Code du travail protège les salariés car « l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés ».
Par exemple, pour établir le chiffre à atteindre, les employeurs utilisent la méthode dite du « benchmark » qui consiste à analyser, comparer et identifier les « bonnes pratiques » en interne (entre services) ou en externe (entre différentes entreprises). Le résultat servira alors de base à la détermination de la performance à atteindre et à l’évaluation des salariés. La Cour d’appel de Lyon explique dans son arrêt du 21 février 2014 n°12/06988 que le « benchmark » ne doit pas compromettre la santé et la sécurité des salariés et auquel cas l’employeur se voit condamné.
C’est donc par le biais de la santé et la sécurité des salariés, que nous pouvons faire barrage à la notion de performance et protéger ainsi les salariés.
Si l’employeur trouve toujours une parade pour contourner la législation, les défenseurs des salariés sauront toujours comment contrecarrer les objectifs de l’employeur pour le peu que les dossiers soient bien préparés avant d’entamer une procédure judiciaire. Il s’agit d’un combat s’étalant sur le long terme.