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Edito

Le droit européen au secours des travailleurs

Michel Lemaire, DSR et RS FO Matmut

A l’heure du repli sur soi, que ce soit au niveau des individus ou des Etats, il est primordial de se rappeler qu’il est important d’être uni.

Nous pouvons lire ou entendre par-ci, par-là, que l’Europe est la cause de nombreux maux.

Concernant le droit du travail européen, il ne faut pas se mentir : la législation européenne du travail n’a pas eu que des avantages ; notamment la flexibilité qui, dans les années 80, est devenue le nouveau maître mot du XXème siècle et n’a pas été sans conséquences sur la nature juridique du statut salarial. La France s’est empressée de modifier le code du travail pour appliquer le droit communautaire car cela était favorable aux entreprises.

Cependant, le droit du travail européen est aussi source d’avancées sociales.

L’Union européenne a mis en place un ensemble de règles pour garantir une protection sociale plus forte.

Ce simple édito ne saurait retranscrire l’intégralité de l’impact positif du droit communautaire.

Quelques exemples de la loi du 9 mars 2023 transposant la Directive n° 2019/1158, du 20 juin 2019 permettront de démontrer l’impact positif de droit européen sur le droit du travail français. Nous pouvons simplement déplorer que le législateur français ait mis presque cinq années pour transposer la Directive. Lorsque cela ne va pas dans le sens de l’employeur, nos parlementaires sont toujours très longs.

Cette loi adaptant le Code du travail au droit de l’Union européenne met fin à l’exception légale permettant aux accords de branche de conserver des durées de période d’essai plus longues que celles prévues par la loi. Les périodes d’essai fixées par les accords de branche plus longues que celles prévues par la loi sont donc supprimées.

France Assureur et les organisations syndicales ont donc signé un avenant portant révision de la période d’essai de la Convention Collective Nationale du 27 mai 1992.

Le droit social européen a permis de réformer les congés paternité et d’adoption, le congé parental d’éducation et le congé de présence parental. Cette même loi, concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, fixe des exigences minimales « conçues pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants ».

Ainsi, concernant le congé paternité et d’accueil de l’enfant, la durée de ce congé est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté (C. trav., art. L. 1225-35-2) et les périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant sont assimilées à des périodes de présence (C. trav., art. L. 3324-6). Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.

Concernant le congé parental, grâce au droit communautaire, il est ouvert à tous les salariés dès que ces derniers disposent d’un an d’ancienneté chez leur employeur (et non plus aux seuls parents qui disposaient d’un an d’ancienneté à la naissance ou à l’arrivée de l’enfant) (CJUE, 25 février 2021, aff. C-129/20 ). La durée du congé parental d’éducation à temps plein est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté (C. trav., art. L. 1225-54). Lorsqu’un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d’un congé parental, la durée du congé parental d’éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Enfin, l’indemnité de licenciement d’un salarié en congé parental à temps partiel doit être calculée sur la base de la durée de travail prévue dans son contrat de travail, et non être proratisée en fonction de son temps de travail effectif (CJUE, 18 mai 2019, aff. C-486/18 et Cass. soc., 18 mars 2020, n° 16-27.825).

La loi du 9 mars 2023 transposant la Directive n° 2019/1152, du 20 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne, prévoit cinq nouvelles obligations d’information à la charge des employeurs. Pour rappel, le droit du travail français prévoit déjà la communication aux salariés de dix informations, par la déclaration préalable à l’embauche ou par le bulletin de paie. Plusieurs documents doivent être remis au salarié lors de son embauche pour lui transmettre des informations complémentaires (C. trav., art. L. 1221-5-1). Le détail des 5 informations complémentaires, qui doivent être ajoutées grâce à la directive, doit être fixé par décret que nous attendons toujours et devrait concerner :

Il reste bien des domaines où le droit social européen peut nous apporter des avancées sociales mais la France ne transpose toujours pas les directives. Concernant l’acquisition des jours de congés payés pendant un arrêt maladie, un arrêt du 24 janvier 2012 (affaire C 282/10), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) précise que le fait d’exiger un temps de présence minimum pour acquérir des congés payés n’est pas conforme à la Directive 93/104/CE du Conseil du 23/11/1993. Nous devrions donc tous avoir le droit à 4 semaines de congés payés, peu importe le temps de présence dans l’entreprise.

Pour la CJUE, l’article 7 de la Directive ne distingue pas les travailleurs absents en raison d’un arrêt maladie pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé. De plus, le travailleur en arrêt maladie suite à un accident ou une maladie de quelque nature ou origine qu’ils soient, a droit à un congé annuel au moins égal à 4 semaines.

La Directive n’a pas été transposée en France et donc l’employeur n’est théoriquement pas tenu de l’appliquer.

Sauf que la Cour de cassation sait que le droit national français en matière de congés payés n’est pas conforme au droit européen (rapport annuel de la Cour de Cassation de 2013 et 2017). Les magistrats invitent le législateur à modifier les textes qui posent difficulté mais celui-ci fait la sourde oreille, obligeant la Cour de cassation à livrer des arrêts rappelant sans cesse le droit européen et faisant une leçon de droit européen dans son arrêt du 15 septembre 2021 n° 20-16.010.

Le Comité européen des droits sociaux, qui veille à l’application de la Charte, a considéré, que la France violait l’article 2§1 de la Charte révisée, l’assimilation des périodes d’astreinte au temps de repos constituant une violation du droit à une durée raisonnable du travail (CEDS, réclamation n°55/2009, § 64 notamment ; CEDS, conclusions 2014 France). L’obligation qui est faite au salarié durant les périodes d’astreinte, de se tenir à la disposition de son employeur pour accomplir, si ce dernier le requiert, une prestation de travail, empêche incontestablement le salarié de se consacrer à des activités relevant de son libre choix. L’absence de travail effectif, constatée a posteriori, pour une période de temps dont le salarié n’a pas eu, a priori, la libre disposition, ne constitue pas, dès lors, pour le CEDS, un critère suffisant d’assimilation de cette période à une période de repos.

La seule solution pour le salarié est de faire une action, contre l’employeur au niveau national, et, si nécessaire, contre l’État français, devant la justice européenne, pour obtenir ses droits. Longtemps ignorée par la Cour de Cassation, cette dernière n’hésite plus à invoquer le droit communautaire pour condamner les employeurs et forcer par ricochet nos parlementaires à légiférer pour respecter le droit social européen.

L’Europe a été créée pour un grand projet commun : la paix qui ne peut que se traduire par une solidarité économique et un développement social. Si l’Europe est à améliorer quotidiennement, tout n’est pas néfaste pour les travailleurs.