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Edito

60 ou 64 ans : un choix de société

Michel Lemaire, DSR et RS FO Matmut

Depuis quelques semaines, les français expriment leur opinion par une série de grèves. Dans les villes de toute taille, les français de tout âge, jeunes et vieux, cadres et ouvriers descendent dans la rue pour s’opposer au gouvernement, qui souhaite repousser l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Le Gouvernement aidé par les médias répètent inlassablement que « l’espérance de vie augmente alors il faut travailler plus longtemps. » Les comptes ne sont pas à l’équilibre. L’équation est simple non ?

Au pays des 35h, serions-nous fainéants au point de faire tomber notre système de retraite par répartition ?

Faut-il forcément travailler longtemps pour être productif ?

Les données statistiques offrent un élément de réponse des plus étonnants. Bien que la productivité au travail des Français soit légèrement inférieure à celle des Américains, elle reste largement supérieure à celle de leurs voisins européens. En réalité, elle dépasse même la moyenne des pays du G7. Et les Français font également mentir les idées reçues et la durée légale de leur semaine de travail, fixée à 35 heures, avec un volume horaire hebdomadaire supérieur à celui des Allemands, pourtant réputés pour leur zèle (https://www.expertmarket.com/fr/les-pays-les-plus-productifs-au-monde).

Devons-nous travailler plus longtemps puisque nous vivons plus longtemps ? Mais où trouver les « 150 milliards d’euros sur les dix prochaines années » pour financer la retraite comme le souligne Élisabeth Borne ?

Je vais reprendre les propos de Monsieur Stéphane Hessel : « On ose nous dire que l’État ne peut plus assurer les coûts de ces mesures citoyennes. Mais comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de l’argent, tellement combattu par la Résistance, n’a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l’État.»

Et puis, il faut arrêter de faire des cadeaux aux entreprises surtout lorsque les exonérations ne servent pas à augmenter les salaires. Par an, c’est 15 milliards d’exonérations de cotisations patronales. Sur 10 ans, nous comblons les 150 milliards d’euros. Tout est une question de volonté et de vision de la société. Soit le Gouvernement fait travailler les français jusqu’à épuisement soit le Gouvernement cesse de faire des cadeaux aux entreprises.

Car certes, l’espérance de vie a augmenté. Mais l’espérance de vie en bonne santé, qui évalue le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, stagne (https://www.vie-publique.fr/en-bref/288403-esperance-de-vie-en-bonne-sante-67-ans-femmes-656-ans-hommes). L’espérance de vie en bonne santé s’élève à 67 ans pour les femmes et à 65 ans et 6 mois pour les hommes. Alors travailler plus longtemps pour, une fois en retraite, attendre la mort sans avoir profité de la liberté retrouvée, ce n’est pas entendable.

Il faut préserver nos acquis sociaux.

En 1981, François Mitterrand accédait à la présidence avec une nouvelle vision de la retraite : “Vivre enfin !”. C’est lui qui ramena l’âge de départ de 65 à 60 ans. L’idée était d’instaurer un « droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l’issue d’une durée de carrière normale. »

Il faut préserver notre modèle, notre idéal. A 60 ans, il est temps de profiter de la vie. Nous avons terminé de travailler, les enfants sont a priori grands et autonomes. Pour une fois dans notre existence, nous pouvons faire exactement ce qui nous chante, profiter de la vie avant d’entamer la seconde partie de la retraite qui est le déclin, le veuvage, la maison de retraite et à terme, la fin.

Le Gouvernement voudrait nous faire profiter que de cette seconde partie ? Ce n’est pas entendable. Nous méritons mieux.