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FO Matmut, la Force syndicale de TOUS les salariés Matmut.
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Edito

La souffrance au travail

Michel Lemaire, DSR et RS FO Matmut

Le travail a depuis toujours engendré différentes formes de souffrances, mais ces dernières années, de nombreuses études tendent à démontrer que les conditions de travail se sont dégradées (cf. le CNAM et la DARES). Alors que le travail devient moins dur physiquement, les motifs de malaise et de souffrance psychique se multiplient.

La souffrance au travail recouvre diverses réalités vécues par les salariés : harcèlement moral, sexuel, pression du chiffre, déshumanisation des relations, troubles physiques, accidents, maladies professionnelles… Des formes qui peuvent se cumuler.

Une mauvaise organisation du travail, avec tous ses dérapages, génère une dégradation de la santé mentale des salariés. En dépit du droit du travail, les salariés ont l’impression que le monde du travail est incertain et que leurs droits peuvent être bafoués en toute impunité.

Faire plus avec autant ou moins de salariés.

Aujourd’hui, ce qui caractérise une entreprise, en dehors de son objectif principal qu’est le profit, c’est l’intensification de la charge de travail.

Les démissions, les licenciements et plus généralement les départs non renouvelés ont pour conséquence d’augmenter la charge de travail.

Ce qui compte aujourd’hui, c’est l’endurance à supporter un rythme de travail soutenu, sans se blesser ni tomber malade.

Dans les sociétés d’assurance, la concurrence est rude. La seule solution pour augmenter les profits sans trop augmenter les tarifs, est de faire des économies sur la masse salariale. L’économie se fait en ne renouvelant pas les départs et surtout en augmentant la charge de travail des salariés. Et oui… Pourquoi recruter lorsque les entreprises peuvent surcharger de travail les salariés qui acceptent cette situation par peur de la perte de l’emploi ou dans l’espoir d’avoir une augmentation individuelle ? Face à la précarité, le salarié de l’assurance préfère mettre sa santé en danger.

Les candidats sont recrutés sur leur niveau de motivation, leur goût de l’effort et leur discipline. Et lors de leur intégration, il leur est dit la chance qu’ils ont d’avoir été choisis et, en contrepartie, l’engagement moral qu’il est attendu d’eux, vis-à-vis de l’entreprise. Les nouvelles recrues, surtout lorsqu’elles sont jeunes, partent aussi vite qu’elles sont arrivées puisque la nouvelle génération cherche en priorité à travailler dans de bonnes conditions.

Pour les salariés ayant une grande ancienneté dans l’entreprise, on observe peu de mobilisation collective pour lutter contre la souffrance au travail car la peur et le défaitisme a, pour beaucoup d’entre-eux, fait son entrée dans l’entreprise.

L’individualisation croissante des rapports sociaux isole les salariés face au travail, à l’employeur, et les isole face à la souffrance.

Avec l’émergence de la peur et de la soumission, les salariés acceptent l’intolérable !

En théorie, les salariés sont protégés par la législation contre la souffrance au travail. L’employeur est tenu à une obligation de résultat. Il doit envisager l’ensemble des facteurs susceptibles de déclencher la souffrance mentale et physique au sein de l’entreprise, d’altérer ou de nuire à la santé et la sécurité.

Dans la pratique, les conditions de la vie au travail sont à l’entière discrétion de l’employeur. Ce dernier peut librement respecter ou non la législation. Il n’y a aucun contrôle de l’administration sauf en cas d’accident ou d’alerte, de la part d’un salarié ou d’un syndicat.

La responsabilité civile ou pénale de l’employeur est alors engagée. Mais la faiblesse des pénalités encourues et des condamnations effectives laissent largement impunie la délinquance patronale.

En conséquence, les directions réagissent peu à la souffrance et évitent ainsi de remettre en question leur organisation du travail.

Les salariés sont donc abandonnés à leur seule capacité à affronter le stress et la pression sans pour autant s’unir et protester : c’est la porte ouverte à l’individualisme.

En effet, jusque dans les années 1980, les travailleurs se pensaient comme membres d’un collectif et ils savaient qu’ils pouvaient être soutenus par ce collectif.

Aujourd’hui, c’est chacun pour soi. La solidarité s’est érodée.

Les salariés doivent s’unir et s’emparer de la santé au travail en refusant leur sort, seule solution pour ne pas souffrir d’une mauvaise organisation du travail uniquement profitable à l’employeur. La survenance d’un nouveau sursaut syndical apparaît alors comme une urgence de premier ordre.