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FO Matmut, la Force syndicale de TOUS les salariés Matmut.
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Edito

L’Art de manager à la Matmut

Michel Lemaire, DSR et RS FO Matmut

Manager est un exercice difficile puisque nous touchons à l’humain. Il existe différentes pensées, écoles de management. Il y a pour forcer le trait, le management axé sur l’humain et le management axé sur la rentabilité. Le premier est plus récent et le second très ancien.

La Direction préfère la bonne vieille école de la rentabilité poussée à l’extrême rendant le salarié robot, corvéable à souhait.

Les Ressources Humaines appliquent une méthode allemande développée sous le IIIème Reich et largement reprise et développée en 1990.

En effet, les mots que vous entendez au quotidien dans le monde professionnel, et notamment à la Matmut, tel que « Être rentable / performant / productif » qui date, certe, de 1850 avec le Darwinisme social militaire économique des années 1850-1930, sont développés à l’extrême par la pensée nazie jusqu’en 1945 et sont encore trop souvent les nôtres aujourd’hui (de « Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui » par Johann Chapoutot).

Aujourd’hui, dans notre Groupe, pour que les salariés fassent mieux, la Direction les oblige à être ami avec SMART, logiciel pensé pour une meilleure rentabilité du salarié, et donc pour vous rendre plus performant. Cet outil permet surtout un contrôle d’une efficacité inégalée.

Les salariés Matmut doivent s’appuyer strictement sur les méthodes, les procédures, les “bonnes pratiques”, pour atteindre des objectifs définis par la Direction. La Direction demande aux salariés de savoir s’adapter, d’être disponible, totalement engagé dans son travail, d’accepter de se remettre en question sans remettre en question l’organisation du travail au prix d’une aliénation toujours plus grandissante du travail pour les travailleurs.

Pour éviter tout débordement, une potentielle grève (raté… il y en a eu une, signe que les conditions de travail se dégradent), la Matmut applique l’orientation des assises du Conseil national du patronat français (CNPF) née au lendemain des événements de Mai 68, qui ont convaincu le patronat français qu’il fallait isoler le salarié à travers l’individualisation systématique de la gestion et de l’organisation du travail.

La Direction de la Matmut isole les salariés du collectif, en essayant d’individualiser le plus possible les salaires en faisant miroiter, devant chaque salarié, une éventuelle augmentation individuelle. Pourtant, celle-ci est trop souvent insignifiante, les primes individuelles sont bien maigres… Ainsi, sur 5607 salariés en 2021, seuls 1369 ont été augmentés de 2,84% en moyenne. Par ce leurre, la Matmut parvient alors à limiter la contestation sociale tout en limitant drastiquement la progression du coût de la masse salariale.

La Prime permet de diviser les salariés et voir même d’exclure certains salariés. Je pense par exemple à la négociation sur le pouvoir d’achat où la Matmut a souhaité exclure, de la prime de partage de valeur ajoutée, les salariés ayant moins d’un an d’ancienneté et a proratisé la prime en fonction du temps de travail et des absences. Il est vrai que ces salariés qui ont un salaire moindre n’ont pas besoin d’un coup de pouce financier… Pour la Direction, ils ont moins produit alors, ils doivent simplement percevoir moins.

Enfin, nous avons pu constater que ces dernières années, une politique de changement s’est installée à la Matmut. Mais pourquoi donc ? Est-ce vraiment pour le bien des salariés ?

Pour Danièle Linhart, « La politique de changement permanent a pour fonction de déstabiliser les salariés, de leur faire perdre une partie de leurs repères, ainsi que la confiance qu’ils ont dans leur savoir-faire. Elle a pour fonction en réalité d’opérer concrètement la mise à mal de la professionnalité en la rendant obsolète. Le changement permanent prend la forme de restructurations incessantes, de réorganisations systématiques de services, de recompositions continues des métiers, de fusions de départements, d’externalisations, de redéfinitions de missions, de changements accélérés de logiciels, de mobilités systématiques imposées de déménagements, bref la forme d’un flot constant de bouleversements qui ont toujours pour raison officielle d’adapter les entreprises à leur environnement mais qui vise aussi à disqualifier toute critique, en rendant obsolète l’expérience et les savoirs des salariés. Perdus dans la tourmente de ces bouleversements multiples, déboussolés et débordés, en manque d’informations et de formation, tout les pousse à mendier des aides techniques, des procédures, des solutions standardisées quand bien même ils contreviennent à leurs critères de qualité et d’efficacité ».

En moins de quatre ans, nous avons vu se réorganiser le réseau d’agence, MPJ, le service inspection, IME, PGIS et UGS. Les fonctions changent, se modifient, sur toutes les plate-formes et dans les agences, obligeant les salariés à s’adapter sans cesse, à apprendre un nouveau métier qui n’était pas le leur initialement. Certains verront leurs fonctions diminuer alors que d’autres verront leurs missions s’étendre. Les salariés sont souvent perdus dans ce changement mais pour faire passer la pilule, la Direction aime co-construire, co-gérer. La Direction essaie d’obtenir ainsi l’adhésion des salariés pour éviter un mouvement social.

Encore une fois, ce procédé n’est pas innovant. Les Dirigeants l’apprennent dans les écoles de management. La cogestion, la co-construction, c’est ce qui « doit éviter toute opposition entre patrons et ouvriers, prévenir la lutte des classes et étouffer dans l’œuf toute velléité de contestation. À l’échelle de l’entreprise, l’autonomie du collaborateur libre et joyeux doit conjurer les divisions de la société (riches / pauvres, droite / gauche, ouvrier / patron, etc.) et assurer l’unité de volonté, d’affect et d’action de la communauté productive. » (de « Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui » par Johann Chapoutot).

Mais le salarié ne co-construit rien. La Direction arrive avec son idée et n’entend pas les remarques des salariés. La Direction va accepter une seule proposition pour “être agréable” aux salariés et faire croire ainsi qu’elle les a écouté. Mais que se passe-t-il lorsque cela ne fonctionne toujours pas et que FO fait remonter les problèmes ? Cela a été co-construit avec les salariés. Et oui, la Direction procède au transfert de responsabilité alors que juridiquement cela est de son obligation.

La Direction doit prendre conscience que le salarié n’est pas un objet, qu’il n’est pas une simple « ressource humaine », « masse salariale » vouée à une analyse comparative.

Les collègues ne sont pas des jouets. La Direction doit cesser ce petit jeu des restructurations, de modification des fonctions. Il en va du bien-être de nos collègues.

L’heure est grave à la Matmut car le travail devient une source d’angoisse obsédante qui ne lâche pas les collègues. Une part importante des collègues n’arrivent plus à oublier le travail une fois ce dernier terminé. Cela entrave le repos, la détente, les loisirs, car le travail obsède l’esprit le soir et le week-end.

Je conseille à la Direction de s’intéresser au “Slow management” qui est un terme apparu pour la première fois en 2004, dans le livre « A Bias for Action », d’Heike Bruch et Sumantra Ghoshal. Son enjeu est de remettre les hommes et les femmes au cœur des entreprises. L’idée du “slow management” repose sur l’hypothèse qu’un employé dispose d’autant de temps que nécessaire pour s’acquitter de ses fonctions.

Le slow management prône une nouvelle forme de gestion avec beaucoup d’attention à la qualité, la satisfaction au travail, la confiance. Le slow management redonne de l’autonomie au salarié, et prône le respect de l’individu humain.

Malheureusement, à la Matmut, c’est l’inverse qui est mis en place.

La Matmut a souvent vingt ans de retard, mais au regard des conditions de travail des collègues, nous ne pouvons pas attendre deux ans de plus…

En ce moment à la Matmut, il faut toujours aller, faire de la quantité à la place de la qualité quelque soit les services. Faire quelque chose plus vite ne signifie pas que ce sera mieux fait. C’est le problème du management actuel au sein de l’UES. Ainsi, dans le respect constant des délais, les tâches effectuées par les salariés peuvent être de bien moins bonne qualité que prévu. Les règles de contrôle n’ajoutent pas de valeur hormis fliquer les employés.

Pourtant nous sommes des humains, et la Direction ne devrait pas considérer les salariés comme des ressources. Les collègues sont suffisamment intelligents pour organiser leur propre travail. Ils le faisaient auparavant…

La qualité est plus importante que la quantité. La qualité rend les sociétaires satisfaits et rend les salariés fiers de leur travail. Ils ont la satisfaction du travail bien fait.

Les collègues n’ont pas besoin de flicage, de brimade, de management par la peur. Ils ont besoin de sens à leur travail et surtout de reconnaissance.

C’est comme cela que je vois le management et c’est ce que je souhaite à mes collègues.